Longtemps,
la distinction a tenu à la blancheur de la peau. Le hâle
était la marque des travailleurs de plein air, donc de basse
condition. Quant aux teints basanés, ou carrément
sombres, ils indiquaient une origine lointaine, que l'on pardonnait,
car voulue par Dieu ou la Providence, mais qui cachait forcément
un peu de diablerie, le noir étant toujours la couleur de
l'Enfer.
L'usage de la plage comme un lieu de loisir privilégié
ne date pas des premiers congés payés. Depuis presque
un siècle, quelques villes de bord de mer avaient vu à
chaque belle saison revenir une clientèle choisie. Mais les
plaisirs du rivage n'étaient pas synonymes à l'époque
d'exposition au Soleil, bien au contraire : il n'était question
que de s'en protéger. Les années 30 ont tout changé
: les mouvements de jeunesse, l'invention des colonies de vacances,
l'idée du sport pour tous ont favorisé une pratique
neuve du loisir dans les sociétés occidentales. La
découverte que la force de travail se reconstituait plus
joyeusement avec du soleil et de l'air iodé a déterminé
un culte nouveau : la plage est devenue un espace libéré,
où les corps peuvent s'offrir aux "bienfaits" du
Soleil.
Après des années d'excès et quelques milliers
de cancers de la peau, on constate un reflux : le teint naturel
n'est plus synonyme d'étrangeté, et les campagnes
de prévention aidant, la religion du Soleil intégral
perd des fidèles. |